Contraintes : la photo de Sabine et les mots de Marjorie « accoutrement, apothicaire, miséricorde ».
C’était le jour de son mariage. Gènevote repoussa la main de sa suivante qui voulait ajuster le lourd pendentif qui barrait sa poitrine. Elle cala l’imposant bijou entre ses seins et le caressa avec une pointe de nostalgie. Cette croix lui avait été offerte par Baudoin, riche négociant en étoffes qui s’était épris d’elle au point de l’épouser alors qu’elle n’était qu’une fille de fermier. Elle avait tout appris à ses côtés : la bonne façon de se tenir parmi les riches, un vocabulaire châtié, comment s’occuper d’une maison et gérer l’argent qu’il gagnait.
Mais Baudoin était mort sur la route, en quittant la foire de Provins. Les gardes alloués par le Comte de Champagne n’y avait pas suffi : les négociants avaient tous trouvé la mort et avaient été dépouillés de leurs biens. Fort heureusement pour la jeune Gènevote, ceux dont elle hérita la mirent à l’abri du besoin pour le restant de sa vie.
Jeune et jolie veuve, plus riche que certains seigneurs, elle comprit que de nouvelles possibilités s’offraient à elle. Le Comte Bertrand l’appréciait tout particulièrement et ne cessait de la convier en ses terres pour partager divers plaisirs. Hélas, elle lui refusait le seul qu’il convoitait vraiment. Fou de désir, il demanda Gènevote en mariage.
La jeune femme reprit le cours de sa vie au château du Comte. Elle décida de n’acheter que des étoffes provenant de lointaines contrées, se mit à broder lorsque son époux guerroyait, et tint le comté d’une main de fer en son absence. Absence qui se prolongea définitivement lorsque le Comte mourut lors d’une de ces croisades que Génevote, finalement, ne trouvait plus si inutiles que cela. Elle était de nouveau libre !
Passée la trentaine, elle était désormais une veuve respectable et richissime. Sa notoriété arriva jusque Paris et, à la cour, la vie surprenante de cette comtesse née fille de fermier faisait sourire et rêver à la fois. Le roi la fit mander.
Parée d’une magnifique robe en soie brodée rehaussée d’or et d’émeraudes et le front pudiquement couvert d’une coiffe blanche, elle avait le port d’une reine. Le roi ne s’y trompa pas et les yeux qu’il posa sur elle mirent la cour en émoi.
Gènevote s’inclina devant son suzerain non sans contempler, du coin de l’œil, les fastueuses décorations de la salle du trône. Tout ici respirait le luxe et le confort et elle pria un instant pour sa propre misécorde. Sa décision était prise. Assise à la droite du roi, la reine, droite dans une robe en velours sertie de dentelles, ressemblait à un pantin furieux dans un accoutrement ridicule. Personne dans la pièce ne pouvait nier la colère qui brillait au fond de ses pupilles et chacun se réjouissait par avance des rumeurs qui allaient bientôt circuler.
Quelques semaines plus tard, la reine mourut d’une terrible indigestion. Gènevote mit plusieurs semaines à reparaître à la cour et c’est le visage en larmes qu’elle adressa au roi ses plus sincères condoléances. Ce dernier lui annonça qu’il envisageait de l’épouser, après un délai acceptable.
Et c’était aujourd’hui. La femme posa une main sur sa croix en or, jouant inconsciemment avec le discret mécanisme qui permettait son ouverture. Sur ses consignes, son habituel apothicaire y avait logé un puissant poison. Après tout, le roi des Francs n’était peut-être pas l’homme le plus puissant du monde ?
Gè-ne-vote pas pour elle, elle est trop poison !!!
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Et dire que j’ai écrit cette nouvelle le dimanche, journée de la femme ! LOL
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